Quand j’étais étudiant, j’ai entendu une version de cette chanson, chanté par Paul Stookey (de Peter, Paul and Mary). Les paroles sont ceux de Boris Vian.
Monsieur le Président
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir
Mr. President:
I’m writing a letter
That maybe you’ll read
If you have time
I’ve just receive my orders
To leave for the war
By Wednesday night.
Monsieur le Président
Je ne veux pas la faire
Je ne suis pas sur terre
Pour tuer des pauvres gens
C’est pas pour vous fâcher
Il faut que je vous dise
Ma décision est prise
Je m’en vais déserter
Mr. President, I don’t want to do it
I wasn’t put on earth to kill anybody
Not that I want to upset you, but I have to tell you
My decision’s made: I’m going to desert.
Depuis que je suis né
J’ai vu mourir mon père
J’ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants
Ma mère a tant souffert
Elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes
Et se moque des vers
Quand j’étais prisonnier
On m’a volé ma femme
On m’a volé mon âme
Et tout mon cher passé
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes
J’irai sur les chemins
In my life, I’ve seen my father die,
I’ve seen my brothers leave, seen the tears of my children My mother suffered so much, she’s in her grave
She laughs at bombs. She laughs as poems.
When I was a prisoner, they stole my wife
They stole my soul, my entire past.
Well, early tomorrow, I’ll slam the door
In the face of the dead years
I’ll hit the road.
Je mendierai ma vie
Sur les routes de France
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens:
Refusez d’obéir
Refusez de la faire
N’allez pas à la guerre
Refusez de partir
S’il faut donner son sang
Allez donner le vôtre
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le Président
I’ll beg my way on the roads of France
In Brittany, in Provence, and I’ll tell people:
Don’t do what you’re told. Don’t do it.
Don’t go to war. Refuse to report.
If blood must be shed, shed yours
You’re a righteous man
Mr. President
Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je n’aurai pas d’armes
Et qu’ils pourront tirer
If you come after me, tell your police
That I won’t be armed, that they can shoot.
Bien sûr y’a les rimes en fleur, les métaphores, les grands discours
Les » je n’aime que toi « , les » mon amour « , les » pour toujours »
Les soleils couchants, le vent, la plage, les océans
Les références au coeur, c’est un organe très émouvant
Absolutely, there are flowery verses, metaphors, great speeches
There are the « I love only yous, » the « my loves, » the « forevers, »
The sunsets, the wind, the beach, the seas,
All the references to the heart–it’s a very moving organ
Miauler » Je t’aime » tout le monde peut l’ faire, c’est comme Amen
C’est pas très dur
Pour dire » bonne nuit » chaque soir, là, faut vraiment y croire
To mew « I love you » — anybody can do that
It’s like saying « amen »
It’s not that hard
To say « good night » every evening, though
You really have to mean it
Pas besoin de prêt à porter, de slogans, de phrases toutes faites
Tous ces passe-partout, prêts à l’emploi qu’on se répète
Les mots d’amour c’est pas ça
C’est bien plus compliqué crois-moi
There’s no need for off-the-shelf slogans, ready-made sentences
All these master keys, ready to work when we need them again —
Words of love aren’t like that
It’s much more complicated, believe you me
Les déclarations les plus belles
Ne figurent pas dans les manuels
The most beautiful statements
Don’t show up in how-to guides
C’est banal mais les quelques mots que je te destine
Je les préfère aimantés sur le frigo dans la cuisine
Je veux voir nos initiales côte-à-côte sur l’interphone
Pas gravées au canif dans l’écorce d’un chêne
Pas besoin de vieux balcon, de Roméo et de Juliette
Je peux me contenter d’un petit signe par la fenêtre
Faisons l’impasse sur les violons, » les toi pour moi » et vice versa
Tous ces mots trop doux qu’on a prononcés trop de fois
It’s trite, but the words I mean for you,
I’d rather have them on magnets stuck to the fridge
I want to see our initials next to each other in the phone book
Not carved with a knife into the bark of an oak.
There’s no need for an old balcony, for Romeo and Juliet
I can be happy with a little gesture in a window
Let’s stop the violins, the « me for you » and vice-versa
All these sugary words that people say too often
Mon p’tit coeur, mon p’tit chat
Mon trésor, mon petit rat
Ma p’tite fouine, ma p’tite teigne
Ma sardine, ma Sardaigne
My little heart, my little cat
My treasure, my little rat
My little stone marten, my little (rat?)
My sardine, my Sardinia
Mon sagouin, mon trois fois rien
Merci qui ? merci mon chien !
Mon soleil, mon bouquet de roses
Mon orteil, ma boîte de douce
My little monkey, my « three times nothing » (idiom for, maybe, « no trouble at all »)
Thank you to whom? Thanks, my dog.
(I don’t get this one)
My sunshine, my bouquet of roses
My toe, my box of sweetness (?)
On peut bien sûr parler d’avenir promettre monts et merveilles
C’est bien plus fort » à tout à l’heure » quand on le murmure à l’oreille
Certains construisent des châteaux, ils y mettent des perles de pluies
Moi j’ai fixé une étagère, elle est d’ailleurs tombée depuis
You can certainly talk about the future, promising mountains and marvels
But « see you soon » is much better, whispered in the ear
Some people build castles and then fill them with pearls of rain
Me, I built a bookshelf — and later, it fell down.
Ils trouvent encore des formules quand ils se séparent
Et habillent de ridicule la fin de leur histoire
Moi j’ai pas le coeur brisé, j’ai vérifié chez mon médecin
Mais je regrette ces mots d’amour que tu me disais si bien.
They find formulas again when they break up
And they cover the end of their story with ridicule (they dress it up with ridicule)
As for me, I don’t have a broken heart — I checked with my doctor
But I regret these words of love that you spoke so well.
La Camarde qui ne m’a jamais pardonné
D’avoir semé des fleurs dans les trous de son nez
Me poursuit d’un zèle imbécile.
Alors cerné de près par les enterrements
J’ai cru bon de remettre à jour mon testament
De me payer un codicille.
The grim reaper, who’s never forgiven me
for planting flowers in the holes for his nose
Pursues me with an imbecilic zeal.
So, since I’m practically surrounded by burials,
I thought it’d be good to update my will,
To treat myself to a codicil.
Trempe dans l’encre bleue du Golfe du Lion
Trempe, trempe ta plume, ô mon vieux tabellion
Et de ta plus belle écriture
Note ce qu’il faudra qu’il advînt de mon corps
Lorsque mon âme et lui ne seront plus d’accord
Que sur un seul point : la rupture.
So dip your pen in the blue ink of the Gulf of Lion
Dip it, my trusty old scribe
And in your best hand
Record what will need to be done with my body
Once my soul and it no longer agree
Except on one thing: separation.
Quand mon âme aura pris son vol à l’horizon
Vers celle de Gavroche et de Mimi Pinson
Celles des titis, des grisettes
Que vers le sol natal mon corps soit ramené
Dans un sleeping du Paris-Méditerranée
Terminus en gare de Sète.
Once my soul has headed off into the sunset
To join those of Gavroche, of Mimi Pinson,
Those of kids from Paris, of girls from the streets–
While my body’s being taken to its native soil
In a berth on the Paris-Méditerranée train.
Destination: the station at Sète.
Mon caveau de famille, hélas ! n’est pas tout neuf
Vulgairement parlant, il est plein comme un œuf
Et d’ici que quelqu’un n’en sorte
Il risque de se faire tard et je ne peux
Dire à ces braves gens : poussez-vous donc un peu
Place aux jeunes en quelque sorte.
Sadly, my family vault isn’t exactly new
To be blunt, it’s as stuffed as the inside of an egg
And since nobody ever leaves,
I’m liable to be a late arrival, and I can hardly
Say to these good folks: move over a little
Make a little room for the newcomers
Juste au bord de la mer à deux pas des flots bleus
Creusez si c’est possible un petit trou moelleux
Une bonne petite niche
Auprès de mes amis d’enfance, les dauphins
Le long de cette grève où le sable est si fin
Sur la plage de la corniche.
At the edge of the sea, right by the tide,
If it’s possible, dig a soft little hole
A nice little niche
Close to my childhood friends, the dolphins,
Along this shore where the sand’s so fine
On the beach near the cliff.
C’est une plage où même à ses moments furieux
Neptune ne se prend jamais trop au sérieux
Où quand un bateau fait naufrage
Le capitaine crie : « Je suis le maître à bord !
Sauve qui peut, le vin et le pastis d’abord
Chacun sa bonbonne et courage ».
It’s a beach where even at his most furious
Neptune never takes himself too seriously,
Where, when there’s a shipwreck
The captain yells, « I’m in charge here!
Save yourself if you can! Wine and pastis first!
Everybody to their own supply–good luck! »
Et c’est là que jadis à quinze ans révolus
A l’âge où s’amuser tout seul ne suffit plus
Je connus la prime amourette
Auprès d’une sirène, une femme-poisson
Je reçus de l’amour la première leçon
Avalai la première arête.
This is where, long ago, at fifteen,
An age where it’s not enough anymore to amuse yourself
I had my first little affair
Alongside a siren, a fish-woman,
I had my first lesson in love
And swallowed its first pains. (arête – fish bone)
Déférence gardée envers Paul Valéry
Moi l’humble troubadour sur lui je renchéris
Le bon maître me le pardonne
Et qu’au moins si ses vers valent mieux que les miens
Mon cimetière soit plus marin que le sien
Et n’en déplaise aux autochtones.
With all due respect to Paul Valéry
Me, the humble troubador–I can go him one better
(The master will forgive me)
And at least if his verses are worth more than mine
My gravesite will be more nautical than his
And won’t upset the natives.
Est-ce trop demander : sur mon petit lopin
Plantez, je vous en prie une espèce de pin
Pin parasol de préférence
Qui saura prémunir contre l’insolation
Les bons amis venus faire sur ma concession
D’affectueuses révérences.
Is this too much to ask? On my little site,
I ask you, plant some sort of pine tree
(Preferably a stone pine)
That’ll protect good friends from sunstroke
When they come to pay their respects
At my plot.
Cette tombe en sandwich entre le ciel et l’eau
Ne donnera pas une ombre triste au tableau
Mais un charme indéfinissable
Les baigneuses s’en serviront de paravent
Pour changer de tenue et les petits enfants
Diront : « Chouette, un château de sable! »
This tombstone, sandwiched between sky and sea,
Won’t throw a sad shadow onto the scene
But rather a certain charm
Swimmers will use it as a windbreak
While changing their clothes, and little kids
Will say, « Great! A sand castle! »
Tantôt venant d’Espagne et tantôt d’Italie
Tout chargés de parfums, de musiques jolies
Le Mistral et la Tramontane
Sur mon dernier sommeil verseront les échos
De villanelle un jour, un jour de fandango
De tarentelle, de sardane.
Sometimes coming from Spain, and sometimes from Italy,
Laden with perfume, with lovely music,
The Mistral and the Tramontane
Will pour echoes over my final sleep–
One day a villanelle, another day a fandango,
A tarantella, a sardane.
Et quand prenant ma butte en guise d’oreiller
Une ondine viendra gentiment sommeiller
Avec rien que moins de costume
J’en demande pardon par avance à Jésus
Si l’ombre de ma croix s’y couche un peu dessus
Pour un petit bonheur posthume.
And when, having used my mound for a pillow
A mermaid graciously slips into sleep
With less than nothing for her outfit
I’ll ask Jesus for forgiveness in advance
If the shadow of my cross rests on top of her
For a little posthumous joy.
Pauvres rois, pharaons, pauvre Napoléon
Pauvres grands disparus gisant au Panthéon
Pauvres cendres de conséquence
Vous envierez un peu l’éternel estivant
Qui fait du pédalo sur la vague en rêvant
Qui passe sa mort en vacances.
Poor kings, pharaohs, poor Napoleon,
Pour vanished notables, lying in the Pantheon
Poor ashes of importance
You’re going to envy a bit the eternal tourist
Who’s paddle-boating through the waves while dreaming,
Who’s spending his death on vacation.
Vous envierez un peu l’éternel estivant
Qui fait du pédalo sur la plage en rêvant
Qui passe sa mort en vacances.