Les amoureux des bancs publics

Les gens qui voient de travers
Pensent que les bancs verts
Qu’on voit sur les trottoirs
Sont faits pour les impotents ou les ventripotents
Mais c’est une absurdité
Car à la vérité
Ils sont là c’est notoire
Pour accueillir quelque temps les amours débutants

People who don’t see them right
Think that the green benches
You see on the sidewalks
Are for the fatigued or the fat
But that’s ridiculous
Because in fact, everybody knows
They’re there to welcome first-time lovers.

Les amoureux qui s’bécott’nt sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s’fouttant pas mal du regard oblique
Des passants honnêtes
Les amoureux qui s’bécott’nt sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s’disant des « Je t’aime » pathétiques
Ont des p’tit’s gueul’ bien sympatiques

The lovers who smooch on public benches
Ignoring the evil eye
From the good folks passing by
The lovers who smooch on public benches
When they’re saying their heartfelt « I love yous »
They make such cute little faces.

Ils se tiennent par la main
Parlent du lendemain
Du papier bleu d’azur
Que revêtiront les murs de leur chambre à coucher
Ils se voient déjà doucement
Ell’ cousant, lui fumant
Dans un bien-être sûr
Et choisissent les prénoms de leur premier bébé

They hold hands, talking about the future
And the sky-blue paper that’ll cover the walls of their bedroom
They can already see themselves: her sewing, him smoking
Safely comfortable as they pick names for their first baby.

Quand la saint’ famill’ Machin
Croise sur son chemin
Deux de ces malappris
Ell’ leur décoche hardiment des propos venimeux
N’empêch’ que tout’ la famille
Le pèr’, la mèr’, la fille
Le fils, le Saint Esprit
Voudrait bien de temps en temps pouvoir s’conduir’ comme eux

When the Everybodies, the holy family,
Happens to cross paths with a pair of these good-for-nothings
They hurl spiteful comments at them
Even though the whole family
The father, the mother, the daughter
The son and the Holy Ghost
Would occasionally love to act just like them.

Quand les mois auront passé
Quand seront apaisés
Leurs beaux rêves flambants
Quand leur ciel se couvrira de gros nuages lourds
Ils s’apercevront émus
Qu’ c’est au hasard des rues
Sur un d’ces fameux bancs
Qu’ils ont vécu le meilleur morceau de leur amour

Later, when the months have gone by
When their beautiful new dreams have died down
When their skies are full of thick, oppressive clouds
They’ll realize that was by chance, in the streets,
On one of those famous benches
That they experienced the best part of their love.

Les amoureux qui s’bécott’nt sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s’fouttant pas mal du regard oblique
Des passants honnêtes
Les amoureux qui s’bécott’nt sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s’disant des « Je t’aime » pathétiques
Ont des p’tit’s gueul’ bien sympatiques

Supplique pour être enterré sur une plage de Sète

La Camarde qui ne m’a jamais pardonné
D’avoir semé des fleurs dans les trous de son nez
Me poursuit d’un zèle imbécile.
Alors cerné de près par les enterrements
J’ai cru bon de remettre à jour mon testament
De me payer un codicille.

The grim reaper, who’s never forgiven me
for planting flowers in the holes for his nose
Pursues me with an imbecilic zeal.
So, since I’m practically surrounded by burials,
I thought it’d be good to update my will,
To treat myself to a codicil.

Trempe dans l’encre bleue du Golfe du Lion
Trempe, trempe ta plume, ô mon vieux tabellion
Et de ta plus belle écriture
Note ce qu’il faudra qu’il advînt de mon corps
Lorsque mon âme et lui ne seront plus d’accord
Que sur un seul point : la rupture.

So dip your pen in the blue ink of the Gulf of Lion
Dip it, my trusty old scribe
And in your best hand
Record what will need to be done with my body
Once my soul and it no longer agree
Except on one thing: separation.

Quand mon âme aura pris son vol à l’horizon
Vers celle de Gavroche et de Mimi Pinson
Celles des titis, des grisettes
Que vers le sol natal mon corps soit ramené
Dans un sleeping du Paris-Méditerranée
Terminus en gare de Sète.

Once my soul has headed off  into the sunset
To join those of Gavroche, of Mimi Pinson,
Those of kids from Paris, of girls from the streets–
While my body’s being taken to its native soil
In a berth on the Paris-Méditerranée train.
Destination: the station at Sète.

Mon caveau de famille, hélas ! n’est pas tout neuf
Vulgairement parlant, il est plein comme un œuf
Et d’ici que quelqu’un n’en sorte
Il risque de se faire tard et je ne peux
Dire à ces braves gens : poussez-vous donc un peu
Place aux jeunes en quelque sorte.

Sadly, my family vault isn’t exactly new
To be blunt, it’s as stuffed as the inside of an egg
And since nobody ever leaves,
I’m liable to be a late arrival, and I can hardly
Say to these good folks: move over a little
Make a little room for the newcomers

Juste au bord de la mer à deux pas des flots bleus
Creusez si c’est possible un petit trou moelleux
Une bonne petite niche
Auprès de mes amis d’enfance, les dauphins
Le long de cette grève où le sable est si fin
Sur la plage de la corniche.

At the edge of the sea, right by the tide,
If it’s possible, dig a soft little hole
A nice little niche
Close to my childhood friends, the dolphins,
Along this shore where the sand’s so fine
On the beach near the cliff.

C’est une plage où même à ses moments furieux
Neptune ne se prend jamais trop au sérieux
Où quand un bateau fait naufrage
Le capitaine crie : « Je suis le maître à bord !
Sauve qui peut, le vin et le pastis d’abord
Chacun sa bonbonne et courage ».

It’s a beach where even at his most furious
Neptune never takes himself too seriously,
Where, when there’s a shipwreck
The captain yells, « I’m in charge here!
Save yourself if you can!  Wine and pastis first!
Everybody to their own supply–good luck! »

Et c’est là que jadis à quinze ans révolus
A l’âge où s’amuser tout seul ne suffit plus
Je connus la prime amourette
Auprès d’une sirène, une femme-poisson
Je reçus de l’amour la première leçon
Avalai la première arête.

This is where, long ago, at fifteen,
An age where it’s not enough anymore to amuse yourself
I had my first little affair
Alongside a siren, a fish-woman,
I had my first lesson in  love
And swallowed its first pains.
(arête – fish bone)

Déférence gardée envers Paul Valéry
Moi l’humble troubadour sur lui je renchéris
Le bon maître me le pardonne
Et qu’au moins si ses vers valent mieux que les miens
Mon cimetière soit plus marin que le sien
Et n’en déplaise aux autochtones.

With all due respect to Paul Valéry
Me, the humble troubador–I can go him one better
(The master will forgive me)
And at least if his verses are worth more than mine
My gravesite will be more nautical than his
And won’t upset the natives.

Tombe de Georges Brassens

Est-ce trop demander : sur mon petit lopin
Plantez, je vous en prie une espèce de pin
Pin parasol de préférence
Qui saura prémunir contre l’insolation
Les bons amis venus faire sur ma concession
D’affectueuses révérences.

Is this too much to ask? On my little site,
I ask you, plant some sort of pine tree
(Preferably a stone pine)
That’ll protect good friends from sunstroke
When they come to pay their respects
At my plot.

Cette tombe en sandwich entre le ciel et l’eau
Ne donnera pas une ombre triste au tableau
Mais un charme indéfinissable
Les baigneuses s’en serviront de paravent
Pour changer de tenue et les petits enfants
Diront : « Chouette, un château de sable! »

This tombstone, sandwiched between sky and sea,
Won’t throw a sad shadow onto the scene
But rather a certain charm
Swimmers will use it as a windbreak
While changing their clothes, and little kids
Will say, « Great! A sand castle! »

Tantôt venant d’Espagne et tantôt d’Italie
Tout chargés de parfums, de musiques jolies
Le Mistral et la Tramontane
Sur mon dernier sommeil verseront les échos
De villanelle un jour, un jour de fandango
De tarentelle, de sardane.

Sometimes coming from Spain, and sometimes from Italy,
Laden with perfume, with lovely music,
The Mistral and the Tramontane
Will pour echoes over my final sleep–
One day a villanelle,  another day a fandango,
A tarantella, a sardane.

Et quand prenant ma butte en guise d’oreiller
Une ondine viendra gentiment sommeiller
Avec rien que moins de costume
J’en demande pardon par avance à Jésus
Si l’ombre de ma croix s’y couche un peu dessus
Pour un petit bonheur posthume.

And when, having used my mound for a pillow
A mermaid graciously slips into sleep
With less than nothing for her outfit
I’ll ask Jesus for forgiveness in advance
If the shadow of my cross rests on top of her
For a little posthumous joy.

Pauvres rois, pharaons, pauvre Napoléon
Pauvres grands disparus gisant au Panthéon
Pauvres cendres de conséquence
Vous envierez un peu l’éternel estivant
Qui fait du pédalo sur la vague en rêvant
Qui passe sa mort en vacances.

Poor kings, pharaohs, poor Napoleon,
Pour vanished notables, lying in the Pantheon
Poor ashes of importance
You’re going to envy a bit the eternal tourist
Who’s paddle-boating through the waves while dreaming,
Who’s spending his death on vacation.

Vous envierez un peu l’éternel estivant
Qui fait du pédalo sur la plage en rêvant
Qui passe sa mort en vacances.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Tramontane